FRANCE 
La liberté de choix en fin de vie : un commentaire

 

Le tabou du suicide

En France, la liberté de choix en fin de vie progresse très lentement. Un regard sur la législation française montre que l’autodétermination, en particulier le suicide (assisté), fait encore partie des sujets tabous. Lorsqu’une personne souhaite avoir le choix de mettre un terme à sa vie, on met souvent en doute sa capacité de discernement et/ou sa santé mentale. Bien que le suicide ne soit pas interdit, donner accès à des informations sur des méthodes de suicide est punissable ; toute personne, informée des intentions de suicide d‘une autre, et qui n’intervient pas pour l’en empêcher, peut être poursuivie pour non-assistance à personne en danger.

Ce tabou est très problématique. Il limite l'autodétermination et la libre décision des citoyens, tout en faisant obstacle à la mise en place d’une activité de conseil impartiale sur les questions concernant la fin de vie. La loi cherche à tout prix à empêcher le suicide, sans examiner les situations individuelles. Une telle attitude rend pratiquement impossible un débat ouvert sur une fin de vie véritablement autodéterminée.

La politique évite des décisions claires

La politique a longtemps évité la question. De nombreux projets de loi n’ont pas abouti. Comme l’Italie, la France confie à des bioéthiciens le soin de régler la question de la fin de vie, considérant qu’il s’agit d’un problème d’éthique médicale, ou bien d’un problème philosophique. Mais la possibilité de mettre un terme à ses souffrances et à sa vie en recourant à une aide professionnelle touche surtout la question des libertés individuelles et des droits humains. C’est ce qu’ont confirmé le Tribunal fédéral Suisse en 2006, la Cour européenne des droits de l'homme en 2011*, la Cour constitutionnelle fédérale d’Allemagne en février 2020** ainsi que d’autres juridictions. Cet aspect de la question est encore rarement abordé en France.

Certes, l’évolution est lente et incertaine. Cependant, la convocation de la Convention citoyenne sur la question de l’autodétermination en fin de vie, dont les travaux se sont achevés fin mars 2023 par un rapport final, a permis un débat public assez ouvert et différencié. La légalisation d’une forme d’aide active à mourir (suicide assisté et/ou euthanasie) a été évoquée, et Emmanuel Macron a même annoncé une loi pour cet été.

Mais dans les déclarations publiques, les décideurs politiques, comme le ministre de la Santé François Braun, restent peu clairs. De nombreuses voix se font entendre pour exiger que d’abord, les dispositions actuelles de la loi Claeys-Léonetti soient pleinement appliquées. Le système de santé est surchargé, les soins palliatifs ne sont pas suffisants dans toutes les régions, de nombreuses personnes n'ont pas de directives anticipées, etc. Ce sont des préoccupations légitimes, et il est important que les options crées par la loi soient effectivement accessibles aux citoyens. Mais il n’en reste pas moins nécessaire de donner aux individus accès à une aide active à mourir, une option que la législation actuelle ne prévoit même pas.

Interdire, c’est ignorer un droit

La France n’est pas une île, et il n’y a aucune raison de refuser aux citoyennes et citoyens de ce pays d’exercer un droit qui existe ailleurs depuis de nombreuses années. En Suisse, où le suicide assisté est une pratique établie depuis 40 ans, aucune des dérives annoncées par celles et ceux qui s’y opposent ne s’est produite. Moins de 2% des décès en Suisse relèvent du suicide assisté. La plus grande majorité des cas concernent des personnes qui sont en phase terminale d’un cancer. Pour les autres cas, il s’agit de personnes qui sont atteintes d’une maladie neurodégénérative incurable. Ou aussi de personnes qui souffrent de plusieurs maladies irréversibles et dont la qualité de vie est si altérée qu’elles désirent mettre fin à leur vie de manière autodéterminée.

En France aussi, il existera toujours des personnes dont la qualité de vie est altérée de manière intolérable par une maladie à laquelle la médecine ne peut apporter de solution suffisante. Laisser ces individus souffrir, tenter un suicide risqué, se procurer de manière illégale un médicament qui entraine la mort ou se rendre en secret à l’étranger est un manque de respect pour ces personnes dont les souffrances sont insupportables. Pourquoi continuer à leur interdire de se préparer dans la paix à leur fin de vie et de mourir comme elles le souhaitent, chez elles, entourées de leurs proches ?

____

* Arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme du 20 janvier 2011, n° 31322/07, HAAS c. Suisse ; http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-102939; « A la lumière de cette jurisprudence, la Cour estime que le droit d'un individu de décider de quelle manière et à quel moment sa vie doit prendre fin, à condition qu'il soit en mesure de former librement sa volonté à ce propos et d'agir en conséquence, est l'un des aspects de ses droits au respect de la vie privée au sens de l'article 8 de la Convention. »

** BVerfG, arrêt du deuxième Sénat du 26 février 2020 - 2 BvR 2347/15 -, n° marginal 1-343; lien (en allemand)

 

 

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